Ecouter sa petite voix
HÉCOUTENTOIS, OCTOBRE 2014
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« Ernest, à quelle heure vas-tu à la Haute Hairie ? », demande Jean-Claude à son collègue technico-commercial concentré sur son ordinateur. Finissant d'enregistrer sa visite au Gaec MonLapin, Ernest lance : « A 15 heures. Pourquoi ? » Il n'entend pas Jean-Claude se glisser derrière lui. « Ah, les Martin veulent se lancer dans la luzerne. C'est pour l'enrubanner ou l'envoyer à la déshy ? » « Les deux, mon capitaine », lui répond gaiement Ernest, content d'avoir terminé sa tâche.
« Je t'accompagnerais bien pour présenter notre dernier logiciel de gestion parcellaire. T'es OK ? » Buvant lentement son café, Ernest reste pensif. Quelque chose le dérange dans cette proposition. « Allez, accepte, le Gaec d'Antan en a bien besoin. Ils bossent encore à l'ancienne. » Durant quelques minutes, Jean-Claude argumente la pertinence de sa présence. « D'accord, mais laisse moi expliquer en premier ta venue », finit par céder à contrecoeur Ernest.
Dans l'utilitaire vert foncé de l'entreprise, il regrette déjà de ne pas avoir su dire non. « J'ai un mauvais pressentiment », ressasse-t-il dans sa tête. C'est avec une angoisse au ventre qu'il passe le seuil du bureau des deux agriculteurs. Il leur présente brièvement Jean-Claude qui « va leur parler d'un nouvel outil en fin de visite ».
Ernest a terminé avec ses deux clients. Son collègue prend alors la parole. « Voilà, je suis venu vous parler d'un nouveau logiciel TraceParcelles, qui comme son nom l'indique permet de suivre à la trace les interventions dans vos champs. » Le TC parle rapidement, les deux agriculteurs écoutent perplexes. « Nous avons notre carnet de plaine et nous arrivons à tenir les registres sans passer par l'ordinateur », dit l'un d'eux. « Et puis, tu causes si vite que je n'ai rien compris », rajoute l'autre. « Et combien ça coûte, ton truc qui trace ? » lancent-ils en choeur, le visage fermé.
« Pourtant, ce que je viens de vous expliquer est très clair. Vous ne vous servez pas de votre ordinateur ? » Jean-Claude ne supporte pas d'être mis en porte-à-faux.
Face à son ton incisif, le retour ne se fait pas attendre : « On a pas de temps à perdre avec toi », jette alors d'un ton sec l'un des deux exploitants en se levant et en montrant du doigt la porte. Tout penaud, Ernest ne dit mot et se maudit de ne pas s'être écouté.
Hélène Laurandel
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